jeudi 31 décembre 2009

Les mâles et leurs maîtresses

À notre époque où nous dépistons avec une telle aisance le sexisme derrière les mots, il est surprenant de constater que certains d’entre eux résistent à toute sensibilisation.  Si la féminisation gagne du terrain et que nous parlons couramment de policières, d’écrivaine, de bouchère, de mairesse ou de conseillère, il nous arrive d’être confrontés à des impasses, lorsque nous cherchons par exemple une équivalence à « homme public » pour désigner nos politiciennes.  On comprendra ce que l’expression « femme publique » recèle d’ambiguïté.

Certains archaïsmes perdurent par ailleurs sans que personne ne songe à les enrayer.  Si le fait de désigner une femme du nom de « femelle » aura vite fait de déclencher une indignation spontanée, nous trouvons tout à fait normal, à notre époque, d’attribuer aux hommes le vocable de « mâles », sans que personne ne s’en offusque. Dans la même optique, nous jugeons tout aussi pertinent de parler de « maîtresse » pour désigner une amante, légitime ou adultère.  Si une femme vantait avec passion les mérites de son « maître », nous aurions vite fait de voir en elle la victime d’un patriarcat oppresseur et décadent.

Force est de constater qu’à l’époque d’internet et de l’énergie éolienne, nous n’avons pas réussi à dépasser un stade pour le moins animalier, dans le choix de nos mots, pour définir les rapports entre les sexes.  La maîtresse peut en toute quiétude promener son beau mâle dans notre charmante province. Le Québec est exemplaire, paraît-il, dans la lutte aux stéréotypes.

Les métaphores douteuses ne s’arrêtent pas là.  Qui n’a jamais entendu une femme ayant renoué avec une ancienne flamme confier qu’elle l’a « repris ».  On imagine presque madame allant chercher son mâle chez le vétérinaire, après son toilettage du printemps.  Dans un tel cas de figure, l’expression  « reprendre le collier » pourrait revêtir, pour la gent masculine, un sens aussi inusité qu’impromptu.

Nos voisins du Sud peinent aussi à percevoir les hommes comme des personnes.  Il y a quelques années, une psychologue américaine publiait un bouquin sur la psychologie masculine où elle décrétait que si, comme chacun sait, les hommes laissent traîner leurs bas et sous-vêtements usagés à travers le salon ou tout autre espace communautaire, c’est à seule fin de marquer leur territoire et d’éloigner tout mâle rival susceptible de convoiter leur femme ou leur maîtresse. 

Nul ne sait si cette « spécialiste » a écrit son livre sous l’influence de psychotropes légaux ou illicites, ni si elle a suivi depuis une thérapie, qu’importe la nature.  Nous ne pouvons que fortement lui recommander cette dernière avenue.

Alors que l’homme whippet semble une piètre alternative aux hommes roses, métrosexuels ou autres übersexuels, surgis de l’imaginaire survolté de grandes prêtresses d’un jour, une évolution du langage respectant la personne masculine devient plus que jamais une perspective digne d’intérêt.

21 mai 2007 

Ce Rétrolivier est paru dans Cyberpresse du 22 mai 2007, dans Le Nouvelliste, édition week-end, du 26-27 mai 2007 et dans La Presse, section À votre tour, du 9 juin 2007.

mardi 29 décembre 2009

Les préjudices d’une « sensibilisation »

Selon une étude récente, réalisée par des chercheurs en sexologie de l’UQÀM, ce n’est pas parce que des adolescentes portent des vêtements émoustillants que nos jeunes se vautrent dans la luxure. Ce document, intitulé La sexualité des jeunes Québécois et Canadiens : regard critique sur le concept d’ « hypersexualisation », entend déboulonner certains mythes en pleine expansion. 

Les auteurs affirment que la moitié des jeunes attend ses 18 ans ou davantage avant un premier rapport sexuel et qu’à peine 30 % d’entre eux vivent cette expérience avant 17 ans.  C’est à se demander qui, des adolescents ou de certains sexologues, professeurs d’université ou féministes, s’échauffe le plus les sangs avec l’hypersexualisation.  Pendant que ces protecteurs des vertus juvéniles, dont le discours évoque celui du clergé des années 40, croient que le sexe dénature les amours adolescentes, 85 % des filles et 83 % des garçons expérimentent leur première relation sexuelle alors qu’ils sont en couple et amoureux.  Il s’agirait même de 10 % de mieux qu’il y a 10 ans.  Faudra se faire une raison…

Si au moins la « sensibilisation » sur l’hypersexualisation se contentait de frapper à côté de la plaque sans dommages collatéraux, on pourrait toujours laisser courir. Ce discours dogmatique risque hélas d’atteindre l’effet inverse de celui qu’il prétend rechercher.  Selon Martin Blais, auteur principal de l’étude de l’UQÀM, des jeunes se croiront « niaiseux » et sexuellement attardés au contact de cette conception biaisée puisque, penseront-ils à tort, tout le monde a des rapports sexuels, sauf eux.  Des pressions sociales de conformité à des standards qui n’existent que dans l’esprit d’oracles évangélisateurs pourraient les pousser à vivre des expériences qu’ils ne désirent pas réellement.

Vincent Paris, professeur en sociologie, dénonce également cette vision qu’il n’hésite pas à qualifier de culpabilisante et de stigmatisante à cause des comportements sexuels extrêmes et minoritaires qu’elle attribue au plus grand nombre.  C’est ainsi que des ados sans malice se voient apposés l’étiquette d’hypersexués, pour ne pas dire de déviants, par leurs camarades ou même leurs enseignants, à la suite d’un assaut de « sensibilisation » dans les écoles. D’autres, une fois « conscientisés », en viendront à confondre des pulsions sexuelles légitimes et saines envers leur partenaire amoureux avec une attaque d’hypersexualisation corruptrice, à l’instar d’épouses et de mères du temps jadis pour qui le plaisir était source de péché, voire de damnation éternelle.

« Il y a un écart entre les propos qu’on entend dans les médias et ce qu’on lit dans la littérature scientifique, précise par ailleurs Martin Blais.  Même si le vêtement est parfois osé et que l’accès à la pornographie est facile, les scénarios sexuels des jeunes ont très peu changé. »  Il n’existerait donc pas de rapport aussi étroit entre l’hypersexualisation des médias, phénomène incontestable, et la sexualité des adolescents à proprement parler, qui sont loin d’être aussi influençables que d’aucuns le prétendent.

C’est par le cliché de jeunes irresponsables qu’il propage, que le discours victimaire et infantilisant sur l’hypersexualisation cause le plus de préjudices.  Si les ténors de cette approche décident de privilégier le mieux-être des jeunes sur leur prestige personnel et le son de leur propre voix, ils pourront, à la lecture de l’étude de l’UQÀM, réviser leurs positions et relativiser leur propos.  Ce serait la moindre des courtoisies envers nos adultes de demain.

Également paru dans Le Soleil du 1er janvier 2010.

lundi 28 décembre 2009

Un maire et ses fantômes

Le moins qu’on puisse dire de l’actualité trifluvienne, c’est que la morosité des conseillers isolés et d’un grand nombre de citoyens a cédé le pas à un bras de fer qui promet de raviver un intérêt jadis amoindri par l’autorité d’un maire aussi dynamique qu’égocentrique.  L’arrivée en renfort de quatre nouveaux conseillers, peu enclins à montrer patte blanche à Yves Lévesque, vient d’infliger à ce dernier une nouvelle rebuffade, après la fonte abrupte de sa majorité aux dernières élections. 


Notre maire aura beau traiter d’hypocrites ceux que l’on surnomme désormais le groupe des sept pour n’avoir pas, dit-il, affiché leur désaccord lors du lac à l’épaule sur le budget 2010, l’accueil dithyrambique que la population leur a prodigué, lors de la séance du 24 décembre, relevait presque de la consécration.  Même si le budget a été adopté, moyennant une concession mineure accordée à Yves Landry, qui a vu la hausse des comptes de taxes ramenée à 2,9 %, le résultat du vote avait des relents de victoire amère pour le premier magistrat, accueilli dès son arrivée par des huées anticipatrices. 

Il aurait fallu être bien naïf pour ne pas prévoir l’issue du vote, après l’autre séance ordonnée la veille par les sept, annulée, faute de quorum, en raison de l’absence du maire et de ses conseillers disciplinés, peu portés sur la clarté budgétaire.  De là à conclure que les absents détenaient de leur mentor des informations privilégiées, donc non transmises aux « dissidents », il n’y a qu’un pas que la conseillère Sylvie Tardif n’a pas hésité à franchir. 

Les contribuables qui ont voté pour ces neuf fantômes peuvent légitimement se demander si leurs conseillers les représentent judicieusement ou s’ils se cantonnent mollement dans le rôle de satellites idolâtres d’un magistrat qui entend toujours régner sans partage, comme si les dernières élections n’avaient jamais eu lieu.  Les désistements de dernière heure de René Goyette et de Guy Daigle de la séance du 23 décembre pour des motifs volatiles évoquent davantage un retour au bercail de brebis égarées que le choix libre et résolu de conseillers responsables.

En plus du manque de transparence de l’exercice budgétaire, la question litigieuse de l’amphithéâtre de Trois-Rivières sur Saint-Laurent et la création aussi précipitée qu’inexpliquée de sa corporation aux coûts de 200 000 $ restent par-dessus tout en travers de la gorge de nombreux citoyens.  Le souvenir du référendum abandonné sur le règlement d’emprunt de 16,775 M $, malgré un nombre record de signataires en exigeant la tenue, est resté dans les mémoires.

Les sept devront plus que jamais continuer à faire front ensemble et exprimer, chacun à sa façon et selon son expérience, des points de vue qui rejoignent la population qui, à n’en pas douter, découvre enfin en eux des porte-parole de leurs préoccupations immédiates, après une traversée du désert.  Leur présent mandat, comme celui de leurs opposants, ne fait que commencer.  Il leur faudra plus que jamais maintenir la pression sur le maire et ses acolytes s’ils veulent que la dynamique de sclérose en place qui mine l’exercice d’une saine démocratie soit enrayée.

Si la bataille du budget a été perdue de peu, celle de l’opinion publique marque des points, de quoi consolider l’impact de cette nouvelle opposition.  La nomination d’un vérificateur général impartial pourrait bien représenter un prochain enjeu décisif, en réponse aux dérobades budgétaires du maire.  Voilà qui annonce de l’action au conseil municipal…


Également paru dans Le Nouvelliste, édition week-end, du 9-10 janvier 2009.

jeudi 24 décembre 2009

Portrait d’un contre-séducteur

Dans la tâche délicate d’un père soucieux d'amener son garçon à devenir un homme épanoui, autonome et responsable, la chatouilleuse question des rapports avec l’autre sexe s’impose parfois plus vite qu’anticipée.  Est-ce le fait d’avoir grandi dans un quartier où les gars monopolisaient la ruelle, ou d’avoir passé mon primaire et mon secondaire dans des écoles de garçons ?  Je dois confesser bien humblement ma stupeur, une fois devenu père, devant la rapidité avec laquelle l’attirance entre les sexes se manifeste.  Dans le souci de préserver les réputations, et les susceptibilités légitimes, je précise d’emblée que tous les noms cités plus bas sont fictifs.


Le jour même du baptême, communautaire, de Jérémie, sa petite voisine de promotion tentait déjà d’adresser quelques vaines risettes à ce futur indépendant congénital.  L’indifférence apparente de mon rejeton pouvait alors s’expliquer par la distraction de se retrouver parachuté dans une vaste église, entouré d’une pléthore d’inconnus, les yeux rivés sur lui. 

Les choses évoluèrent toutefois vers ses trois ans, à l’âge si déterminant de la socialisation.  Un jour que je faisais l’épicerie avec lui assis dans le chariot, nous croisâmes une mignonne fillette du même âge, pareillement installée, qui lui adressa un grand sourire en lui envoyant la main.  Jérémie répondit négligemment, comme absorbé par de prenantes considérations lorsque, au détour de l’allée, ce mur de détachement apparent s’abattit subitement.  « Papa, c’est Mylène Dupré !  Elle vient au service de garde ! » claironna-t-il, avec une effervescence que je ne lui connaissait pas.  En voilà un qui ne se jettera pas au cou du premier flirt venu, me dis-je, amusé du soudain contraste entre le Jérémie de façade et celui qui venait de se dévoiler.


Son enthousiasme fluctuait cependant selon ses conquêtes au primaire, par ailleurs toujours involontaires.  Je devais réaliser que, quoi que l’on prétende sur l’influence pernicieuse des stéréotypes sexuels galvaudés par les médias, mon garçon se retrouvait plus souvent dans la position du gibier que du chasseur.  Il y avait là de quoi inspirer de profondes méditations aux ténors les plus déclamatoires du caricatural discours homme-prédateur, femme-victime. 

Un matin, avant son départ pour l’école, je vis Jérémie mordre avec humeur dans un oignon, non sans grimacer, les yeux pleins d’eau.   « Mais que diable fais-tu là ? » demandais-je, abasourdi par cet étrange comportement.  « Je veux plus jamais que Miranda me donne des becs ! » répondit-il, excédé.  J’avais déjà pris acte de l’affection envahissante de la petite fille, taquine et exubérante, et de l’agacement non feint cette fois de mon garçon.  Le répulsif employé dut s’avérer efficace puisque je ne surpris plus aucune marque d’intérêt non désirée, ni n’en entendis parler par la suite.


Emprise grandissante

La découverte de son emprise grandissante sur le sexe opposé pouvait parfois amener mon garçon à en faire un peu trop.  Ainsi, lorsqu’il suivit, l’été de ses sept ans, des cours de natation, il subjugua  dès la première leçon sa seule condisciple, une jolie et gentille brunette.  J’en arrivais à me sentir embarrassé devant le spectacle quotidien de cette douce Natasha, accrochée aux basques d’un Jérémie outrageusement sûr de lui, feignant une insensibilité hautaine, malgré tout auto satisfaite, devant les marques d’attention, voire de vénération, de sa nouvelle admiratrice. 

Un jour cependant, sa morgue devait lui jouer un tour.  Ce matin-là, nous étions en retard.  Il n’eut pas le temps d'enfiler son maillot de bain sous ses bermudas, comme à l’accoutumée, avant de partir.  Je mis costume et serviette dans son sac de plage, puis nous arrivâmes juste à temps à la piscine municipale pour le début du cours.  Fidèle à son habitude, Natasha accourut vers son héros tandis que celui-ci, plus suffisant que jamais, baissa sans réfléchir son bermuda d’un geste majestueux, révélant pour l’occasion une réalité prématurée à une Natasha de toute évidence médusée. J’avisais prestement ma progéniture de s’habiller décemment.  Un seul parmi nous trois trouva l’incident amusant. 


Ne vous méprenez pas.  Cette belle grande fille est sa soeur...

Il fallut me rendre à l’évidence : mon garçon devenait un dangereux… tombeur.  Il n’était pas jusqu’à son enseignante de deuxième année pour nous mettre en garde, sa mère et moi, sur le ton ferme d’une lionne protectrice, contre les ravages qu’il infligeait dans les cœurs de ses consoeurs.  Allait-il devenir un facteur d’hypersexualisation des fillettes ? Après tout, il n’avait que sept ans ! 


Vous auriez répondu quoi, vous ?

Je crus bien que Jérémie allait atteindre un nouveau sommet de cruauté insouciante lors d’une visite mémorable au club vidéo.  Une nommée Angéline, autre jolie brunette aux yeux noisette, accourut vers lui avec l’expression d’une gamine prise d’une envie pressante devant une toilette barrée à double tour.  Comme précédemment avec Natasha, fiston reprit son numéro de symbole sexuel paroissial en gambadant d’un air blasé à travers les allées tandis que la fillette le suivait en trottinant avec une expression contrite.  « Il exagère ! » me dis-je cette fois encore, consterné par le manque d’empathie de Jérémie envers sa nouvelle victime.

Aussi persévérante qu’éplorée, Angéline proposa à Jérémie de voir un film avec elle, en me regardant d’un air implorant, comme si je pouvais plaider sa cause.  Je jetais un œil à mon rejeton, toujours aussi téflon, et choisis d’opter pour une attitude de non ingérence, non indifférence, chère à un ancien président français.  La fillette ne baissa pas sa garde pour autant. 

Au moment de payer mes locations, la caissière me regarda d’un air entendu en me demandant : « Prendrez-vous les trois films ? »  N’en ayant choisi que deux, je me demandais bien comment une troisième vidéo avait pu atterrir parmi les autres.  Une femme, dont je compris aussitôt qu’elle était la mère embarrassée d’Angéline, m’avoua d’un air confus qu’il s’agissait de son film.  Décidément, la gamine ne prenait pas les fanfaronnades de Jérémie pour un refus… 

Au moment de notre départ, la petite entre bailla la porte du club vidéo et lança un ultime « Salut, Jérémiiie ! » à vous fendre le cœur, devant un rejeton insupportablement indolent.  Cette fois, il avait passé les bornes !  Je sentis venu le moment d’un franc dialogue père-fils. 

« Ta copine semble t’aimer beaucoup, Jérémie, hasardais-je, une pointe de reproche dans la voix.
« Ah ! fit-il d’un air supérieurement détaché, avant d’ajouter, impitoyable : elle est avec Jonathan Labrie. »

Vous auriez répondu quoi, vous ?


Leader d’une nouvelle mouvance ?


Dieu merci, Jérémie a opté pour la concentration scientifique de son école secondaire.  À peine trois adolescentes suivent les mêmes cours que lui, de quoi mettre un bémol à la thèse de l’inexorable invasion des filles dans les domaines d’activités non traditionnels.  Les gamines de son âge vivent donc dans la tranquille inconscience de ce danger qui guette leur innocence.

Il ne faut pas pour autant chanter victoire.  De jeunes regards féminins attentifs surpris au resto ou ailleurs et la présence occasionnelle inexplicable de filles près des fenêtres extérieures de sa chambre m’indiquent que l'inéluctable pouvoir de séduction de mon garçon continue de représenter une menace pernicieuse pour le sexe opposé. 

Il semble que son magnétisme soit aussi envoûtant qu’involontaire; il est difficile d’imaginer moins entreprenant que Jérémie, véritable anti-conquérant ou contre-séducteur.  Avec lui, le principe de base en judo « un maximum d’efficacité pour un minimum d’effort » prend une signification que Jigoro Kano, inventeur de cette vénérable discipline, n’avait probablement pas envisagée. 

Au Québec où, dit-on, les hommes draguent de moins en moins, Jérémie deviendra-t-il chef de file d’une faction encore plus radicale de ce mouvement, ou plutôt, de cet immobilisme ?  Pour les adeptes de dénominations inventives et farfelues en vue de cerner l’éternel masculin, peut-être que, après l’übersexuel, le métrosexuel et le dodosexuel, mon fils inaugurera avant longtemps l’ère du flegmaticosexuel…

Ce texte constitue le septième chapitre d'un essai inédit sur la condition masculine intitulé Le Syndrome de la vache sacrée.  

jeudi 17 décembre 2009

Trio infernal et fantasmes hors limites

C’est en 2003 que Marlène Chalfoun, ex-employée du Service correctionnel, se voyait acquittée d’accusations de complot d’agression sordide sur trois de ses proches.  Elle correspondait en apparence dans ce but avec deux prédateurs sexuels dont elle était devenue la « petite Karla » et avec qui elle forma un trio infernal.   

Marlène Chalfoun
Une question s’impose à quelques esprits tatillons : un homme dans la situation de cette femme aurait-il bénéficié de la même indulgence de la cour ?  Question encore plus importante : les autorités sont-elles intervenues afin de contenir le scandale qui allait éclabousser leurs services, en soustrayant le plus possible de l’attention des médias les exploits scabreux d’une employée jusqu’ici modèle et bien notée ?  Autopsie d’une énigme criminelle et judiciaire. 

En février 2007, le tribunal d’arbitrage avait tranché : Marlène Chalfoun ne pourrait plus exercer ses fonctions d’agente de probation. L’arbitre Lyne Tousignant confirmait ainsi la décision du ministère de la Sécurité publique qui avait congédié son employée dès son incarcération en 2002.  Selon Me Tousignant, Chalfoun avait posé des gestes « incompatibles avec (ses) fonctions » en plus d’avoir rompu le lien de confiance avec son employeur et d’avoir « terni l’image du ministère et de l’administration de la justice. » 

Il n’aurait plus manqué que cette étrange femme, mesurant cinq pieds et pesant 100 livres, dont la photo avait fait la une pendant des mois, ayant bénéficié d’un acquittement aussi improbable que sensationnel, ne réussisse en prime à se voir réintégrée dans les fonctions qu’elle avait perverties.  L’affaire Chalfoun demeure à ce jour l’un des épisodes les plus troublants et les plus obscurs de notre histoire judiciaire récente, d’abord en raison des faits établis et de leurs motivations restées à ce jour ténébreuses, tout autant qu’à cause du déroulement et du dénouement surréalistes de la procédure judiciaire qui s’ensuivit. 

Le procès de la jeune femme a laissé dans les mémoires une impression de démission de la part de la Couronne et de dissimulation de la part de la Cour, malgré des faits allégués de nature à glacer le sang.  Mais pourquoi s’en faire puisque seuls des êtres humains étaient menacés ?

Le complot

Un complot d’agressions sexuelles supposé, ourdi entre juin et septembre 2002, implique à l’origine Chalfoun et Nick Paccionne, un délinquant dangereux détenu à Port-Cartier depuis 1998.  En mai 2002, Paccione annexe à leur bizarre tandem Angelo Colalillo, un ancien compagnon de bagne, plus tard arrêté en même temps que Chalfoun. Il sera désigné au procès sous le pseudonyme de Frank. L’individu se suicidera en 2006 avant la tenue de son procès pour l’agression sexuelle et le meurtre de trois jeunes filles, crimes évoqués dans sa correspondance avec Paccione et Chalfoun.  Nous n’avons donc pas affaire à un enfant de chœur et l’accusée, diplômée en criminologie et auteure d’une étude sur les délinquants dangereux, peut difficilement sous-estimer sa dangerosité.

Les lettres de Chalfoun font état d’un plan crapuleux. L’agente demande à Paccione de proposer à Colalillo de s’introduire chez sa cousine, de la violer ainsi que ses deux enfants, puis de l’éventrer en vue d’incriminer le mari.  Précisons qu’il n’est pas ici question « que » d’agression sexuelle.  Elle se dit prête à fournir l’adresse et va jusqu’à rencontrer Colalillo une première fois à son commerce.  Qu’on la juge consciente ou non de l’impact de ses gestes, l’agente de liaison dangereuse glisse peu à peu du complot vers son exécution.

L’affaire se corse lorsque Chalfoun reconnaît un portrait-robot de Colalillo dans les journaux, fourni à la suite de la déposition d’une victime qui s’était donnée pour morte après avoir été menottée, violée et étranglée en plus de voir sa chambre incendiée.  L’agente donne rendez-vous à son comparse, manifestement angoisssé, le 2 octobre, dans un café de La Salle sans se douter que l’homme est filé depuis le matin.  Une autre victime survivante l’avait en fait identifié parmi des photos de suspects.  Un policier épie leur conversation à une table voisine tandis qu’un autre filme l’entretien de l’extérieur.  Ils sont arrêtés peu après.

Chalfoun nie, lors de son interrogatoire, toute implication sérieuse dans les fantasmes sulfureux de Nick Paccione et affirme qu’elle souhaitait, par ses lettres compromettantes, mettre le détenu à l’épreuve.  Les deux étonnants correspondants s’écrivent depuis 1998.  Quatre années de test épistolaires paraissent excessives aux autorités qui refusent à l’ex-agente une libération sous caution.  

Lors d’une perquisition au domicile de Colalillo, on trouve par ailleurs du matériel pornographique d’une violence atroce montrant des femmes et des enfants torturés, violés et jusqu’à des meurtres.  Des lettres de Paccione sont également découvertes.  Le 4 octobre, c’est au tour de la cellule de ce dernier d’être passée au peigne fin : 350 lettres accablantes, impliquant aussi bien Colalillo que Chalfoun, sont découvertes.  C’est le début de la descente aux enfers du trio.

Les médias se demandent s’ils ne se trouvent pas en présence d’une nouvelle affaire Homolka.  Ces soupçons expliquent sans doute l’extrême discrétion dont les autorités entourent le procès.  Plusieurs prétendent que l’ordonnance de non-publication des lettres incriminantes répond à cet objectif.  C’est toutefois l’avocat de Colalillo, lui-même en attente de procès, qui est à l’origine de cette requête.   Le juriste disait vouloir éviter que la divulgation prématurée d’un contenu aussi compromettant ne nuise à son client.  Quoi qu’il en soit, il est certain que cette demande a dû inspirer un profond soulagement du côté du Service correctionnel et de la cour municipale de Montréal.

Le procès

Lors de sa comparution, sous le chef d’inculpation d’avoir comploté avec deux prédateurs sexuels, l’ex-agente affirme en guise de défense avoir voulu « vidanger » l’imaginaire meurtrier de Paccione par des « histoires totalement fictives. » Autant éteindre un feu de foyer en incendiant le chalet. Elle ajoute avoir voulu – cette fois encore – « tester Frankie », alias Colalillo, qui le fascine.  S’agit-il d’un prédateur sexuel, d’un simple pervers ou d’un futur auteur à succès ? 

Cette curieuse fascination a déjà de quoi faire sourciller le magistrat le plus apathique, quand l’accusée avoue elle-même fantasmer à partir de son ex-conjoint, de la fille de celui-ci ou de sa cousine.  Cette fois, on passe de la « simple » étude de mœurs à l’aveu de fantasmes pour le moins équivoques, dont la nature reste obscure.  Pour tout arranger, l’ex-agente se dit « à la recherche de nouveaux hommes, de nouveaux amants, de nouvelles aventures menant à des orgies. »  On peut se demander à quel type d’orgie elle fait ici allusion.  La Couronne ne nous éclairera pas plus sur ces points précis.

Alors que Chalfoun répond pendant plusieurs jours aux seules questions de son avocat, le procureur de la Couronne, Me Louis Miville-Deschênes, ne procède étrangement à aucun contre-interrogatoire, et ne présente pas plus de contre-preuve.  Y a-il un pilote dans l’avion ?  L’attitude de l’avocat en interloque plus d’un, autant parmi les observateurs, les journalistes que chez les membres du barreau. Miville-Deschênes ne s’objecte pas davantage à l’ordonnance de non-publication de la correspondance incriminante.  La quête de la vérité ne semble pas sa tasse de thé dans cette affaire...

De son côté, la défense plaide, en s’appuyant sur l’avis du psychiatre Louis Morissette, que l’accusée ne voulait que fantasmer et créer des histoires macabres en vue de satisfaire l’imaginaire maladif de Paccione.  Bref, selon Morissette, la femme n’est nullement agressive, ni impulsive et encore moins dangereuse.  Ce psychiatre, témoin expert de nombreux procès, a par la suite jugé que Karla Homolka ne représentait aucun danger pour le société avant de se voir récemment accusé de parjure et d’entrave à la justice dans le procès de Francis Proulx.  

Louis Morissette, psychiatre.
Devant l’avis de ce médecin, alors crédible, et la nonchalance de Miville-Deschêsnes, la juge Micheline Corbeil-Laramée décidera d’acquitter l’accusée, à la stupeur générale.  La juge estime, contre toute attente, que « la correspondance échangée avec les deux hommes ne constituait pas un véritable complot, mais se situait plutôt dans la zone de fantasmes d’une femme ayant d’importantes carences affectives ».  Il faut se pincer fortement pour croire qu’un tel verdict ait pu être rendu…

Juge Micheline Corbeil-Laramée
Philippe Riboty, écrivain alors enseignant en psychologie, s’est exprimé comme suit sur le verdict dans La Presse du 25 novembre 2003 : « Sa libération (de Chalfoun) s’appuie sur une expertise médicale pour le moins surprenante qui la décrit comme une personne ne souffrant d’aucune pathologie, qui n’est pas dangereuse et qui a, tout au plus, des fantasmes malsains. Ce verdict est d’autant plus inquiétant que la Couronne n’a exigé aucune contre-expertise alors que, si tel avait été le cas, elle aurait pu obtenir un diagnostic diamétralement opposé se résumant comme suit : l’accusée est une sadique sexuelle de type paraphilie atypique, suicidaire, dangereuse et souffrant d’un trouble de personnalité mixte assorti d’un acting-out en évolution graduelle nécessitant un suivi psychologique. »  En français courant : un avenir incertain comme dame de compagnie.
Il n’est pas téméraire de présumer qu’une contre-expertise de ce genre, si elle avait été produite par la Couronne, aurait pu influencer le cours du procès comme son dénouement.  Il n’est pas invraisemblable non plus de croire que d’autres avis de spécialistes, allant dans le même sens, auraient pu être débusqués, même pour un homme de loi moins expérimenté que Miville-Deschênes.

Comme s’il ne s’était pas assez traîné les pieds, le procureur, après avoir pourtant reconnu que Chalfoun ne pouvait ignorer le risque de crimes graves, avoue candidement qu’ il n’est « pas déçu » du verdict et qu’il n’en appellera « probablement pas. »  Vous avez bien lu.  Que déduire d’une telle attitude, devant une cause apparemment gagnée d’avance ?  C’est comme si Marlène Chalfoun avait remporté son procès par défaut. 

Questions sans réponses

En plus de semer le doute sur l’intégrité du processus judiciaire, l’indolence de la Couronne et la volonté manifeste de la Justice de minimiser le plus possible, voire d’étouffer cette affaire par un verdict singulier, n’a certes pas permis d’aller au fond des choses et de connaître avec certitude les motivations profondes de l’accusée.

On frémit à l’idée des conséquences, si Colalillo avait pu entrer en contact avec les victimes désignées. La jeune femme méditait-elle une vengeance réelle envers ses proches ? Était-elle plutôt animée, comme le suppose Riboty, par un instinct sadique sexuel ?  Se peut-il enfin qu’elle n’ait vécu son complot, comme l’affirmait la défense, que comme un fantasme à effets spéciaux sans réellement souhaiter sa réalisation ?  Nous n’aurons probablement jamais de réponses définitives à ces questions.

Nul doute que la complaisance du système à l’égard de l’ex-agente n’a eu d’égale que l’aversion et la réprobation générales inspirées par les événements sordides qui ont mené au procès.  Quelle conclusion contrastante d’avec les erreurs judiciaires qui ont accablé des citoyens sans reproche comme Simon Marshall, Harold Bouchard, Michel Dumont ou Fernand Halde, pour ne nommer que ceux-là.[1]

Possiblement avantagée par son sexe, Marlène Chalfoun a pu bénéficer d’une indulgence injustifiée que des hommes, cités à procès pour des crimes identiques, n’auraient pu revendiquer.  Il est cependant plus probable que les autorités judiciaires aient préféré éviter ou minimiser un scandale qui aurait pu prendre une dimension planétaire, si les lettres avaient été divulguées.  Il est tout autant plausible que leur médiatisation auraient rendu encore plus difficile l’acquittement qui allait représenter l’aboutissement de cette trop perceptible opération de damage control.    

Bref, pour aller au fond des choses, il fallait enjamber deux vaches sacrées : une femme accusée d’un crime crapuleux, mais surtout, la probité apparente de notre système carcéral et de ses agents.  Il s’agissait d’une tâche apparemment insurmontable.  Une telle saga n’est pas sans ressusciter le vieux dicton voulant que si les bonnes filles vont au ciel, de moins bonnes, elles, vont partout… Ou peu s’en faut  !

Bibliographie : articles de Cyberpresse et du Journal de Montréal.
Ce texte constitue le sixième chapitre d’un essai inédit dont je suis l’auteur.  Il s’intitule Le syndrome de la vache sacrée.

[1] Voir dans ce blog : De véritables fausses allégations…

samedi 12 décembre 2009

Hypersexualisation : que la faute aux médias ?

L’hypersexualisation fait toujours la manchette.  Au printemps dernier, un colloque sur le sujet s’était tenu en Mauricie dans le cadre de la journée internationale de la femme.  L’influence pernicieuse de la publicité sur la perception qu’ont les femmes de leur corps avait été à nouveau dénoncée.  Si certains exemples évoqués pour l’occasion semblaient inédits, le propos général sur le sujet restait le même que celui véhiculé par le mouvement féministe depuis plus de 40 ans.

De son côté, le Conseil du statut de la femme s’était fait copieusement rabrouer, l’an dernier, après avoir rendu public un avis sur l’hypersexualisation.  Nos jeunes filles y étaient dépeintes comme des êtres fragiles, parfois au point de distribuer des faveurs sexuelles à qui les sollicite, en vue de faciliter leur intégration dans leur milieu social ou scolaire.  Bien sûr, les médias, la publicité et Internet, tous mis sur le même pied, étaient à nouveau pointés du doigt, pour l’influence diabolique qu’ils exerçaient sur ces victimes, apparemment dénuées d’autonomie de pensée.

De nombreuses voix, notamment d’intervenants en psychologie et en sexologie, avaient dénoncé le discours du Conseil, jugé alarmiste et infantilisant.  On alléguait, entre autres, que ces préceptes niaient la réalité que les jeunes filles, êtres sexués capables d’esprit de décision, pouvaient vouloir vivre leur sexualité selon leurs propres bases, et non toujours celles des gars.

Pour qui a élevé une adolescente selon des valeurs de respect de soi et de libre-arbitre, il est difficile de concevoir sa métamorphose subite en fragile roseau emporté par un tourbillon médiatique de perdition.  Quand une jeune fille se comporte comme certaines féministes disent le redouter, le problème vient plus probablement d’un milieu familial ou social dysfonctionnel.  Soustraire l’adolescente à toute influence médiatique s’avèrera alors aussi efficace qu’un sirop pour soigner une jambe cassée.  Le problème, autrement plus sérieux, est ailleurs et les moyens de le régler, plus complexes.

Le discours victimaire sur l’hypersexualisation s’étend même depuis peu aux femmes adultes qui, pour les mêmes raisons que leurs cadettes, seraient de plus en plus incapables de déterminer si elles consentent à des rapports sexuels parce qu’elles le désirent ou parce qu’elles seraient victimes de stéréotypes.  Sous prétexte de défendre leur cause, n’en a-t-on pas assez de présenter systématiquement les femmes, même une fois majeures et vaccinées, comme des êtres confus et indécis ? 

Rendues à la quarantaine, elles auraient de la difficulté à vieillir à cause des représentations omniprésentes de femmes parfaites.  Faudrait-il les enfermer dans un placard pour leur protection ?  Bien avant l’avènement des médias électroniques, le vieillissement, tant pour les femmes que pour les hommes, a toujours comporté son lot d’obstacles.  Il n’est pas téméraire de présumer que nos femmes quadragénaires détiennent en elles les ressources nécessaires au maintien de leur estime personnelle et ce, selon des critères plus élevés et durables que des images de séduction, somme toute assez futiles.  Les changements les plus significatifs viennent toujours de l’intérieur. 

Devrions-nous pour autant mettre au rancart jusqu’au terme d’hypersexualisation ?  Plus qu’une problématique strictement féminine, ce phénomène touche d’abord nos jeunes, filles aussi bien que garçons, précisons-le, qui ne reçoivent plus de cours d’éducation sexuelle à proprement parler et se rabattent trop facilement sur les représentations irréalistes d’Internet pour les initier à la sexualité.  Par son côté faussement éducatif, l’impact de ce média précis, plus que ceux de la publicité et des médias traditionnels, est à prendre en compte, sans le dramatiser.  Une meilleure écoute parentale et des cours d’éducation sexuelle adaptés aux questions des jeunes pourraient déjà faire une différence.

mercredi 9 décembre 2009

Les enfants de nulle part

Ce n’est pas d’hier que les enfants ont la vie dure.  Violence familiale, infanticide, taxage, hyper-sexualisation, pédophilie et trafic d’être humains se disputent trop souvent la vedette des faits divers.  Il existe pourtant des drames plus discrets, en apparence anodins, qui s’insinuent dans le quotidien de certains enfants qui, s’ils ne revêtent pas le caractère tragique des exemples précédents, n’en méritent pas moins toute notre attention.


Un jour, votre progéniture amènera peut-être un de ces gamins chez vous, si tel n’a pas déjà été le cas.  Contrairement à d’autres qui, sitôt arrivés, courent jouer avec votre enfant en vous saluant distraitement, celui-ci s’arrêtera pour vous parler.  Il vous manifestera un intérêt aussi sincère que spontané, à la mesure de celui qu’il souhaitera susciter en vous.  Il vous donnera ce qu’il espère implicitement recevoir : de l’attention, de la considération, une reconnaissance de son vécu.

En parlant avec lui, vous ne tarderez pas à entrevoir le sentiment d’abandon qui se profile par moment derrière son sourire enjoué, comme si ses parents habitaient une dimension parallèle qui ne recoupe pas assez souvent la sienne.  Il s’agit pourtant le plus souvent de braves gens, en couple ou séparés, aux prises, comme tout le monde, avec les contraintes de la vie adulte.  Devraient-ils communiquer davantage ce qu’ils vivent avec leur enfant ?  Sont-ils trop distraits par leurs soucis pour l’écouter adéquatement ? 

Difficile de répondre à ces questions sans risquer un jugement de valeurs.  Tant d’interprétations, toutes aussi plausibles les unes que les autres, peuvent se voir balayées à l’examen des faits.  Et les faits, c’est trop souvent ce qui nous manque pour une juste vue d’ensemble du quotidien familial de l’enfant.

Si vous prenez le temps de l’écouter ne serait-ce que deux minutes, après sa dernière joute de game cube avec votre gamin ou avant le plus récent dvd en vogue, il trouvera pendant ce court instant un réconfort momentané.  Votre foyer deviendra pour lui un havre où il connaîtra un peu de la vie familiale qui semble lui faire défaut.

Pour un seul de ces « nowhere kids » que nous croisons parfois, combien peut-il y en avoir, en mal d’attention parentale, en quête plus ou moins consciente d’une famille d’adoption ?   Que faire pour adoucir leur quotidien ?  À l’évidence, personne ne peut se substituer à un père, ni à une mère. 

Que ce soit à l’adolescence ou à l’âge adulte, l’enfant demandera probablement des comptes à ses géniteurs.  Peut-être pourra-t-il enfin s’en rapprocher ?  Chose certaine, il devra lui-même apprendre à gérer ses rapports avec eux et les sentiments ou les émotions qui en découleront.  Là non plus, impossible de se substituer à qui que ce soit.

Si vous connaissez un enfant de nulle part, n’hésitez pas à lui accorder de votre attention.  Vous en retirerez peut-être encore plus de satisfaction que lui.  À défaut de solutionner ses problèmes, vous l’aiderez, dans la mesure de vos possibilités et de vos disponibilités,  à se sentir reconnu en tant  que personne.  C’est parfois suffisant pour en devenir une. 

28 juin 2007

 Ce Rétrolivier est paru dans Cyberpresse du 29 juin 2007, Le Soleil du 7 juillet 2007 et dans La Presse, rubrique À votre tour.

dimanche 6 décembre 2009

Pitié pour les chasseurs !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les conservateurs ont élevé à un rare degré l’art de perdre leur temps à éroder des acquis sociaux. Après avoir tenté d’invalider le mariage homosexuel, menacé le droit à l’avortement, renié Kyoto, déclenché des élections au mépris de leur loi électorale, perdu la majorité convoitée par leurs coupes à la culture, en plus de s’opposer pathologiquement au rapatriement d’Omar Kadr, les voilà encore en train de vouloir abolir le registre des armes à feu.  Ils cherchent ainsi à satisfaire un électorat fidélisé : des chasseurs et une partie du monde rural.  Comment intéresser nos élus dilettantes à de vraies préoccupations étatiques ?


Quand votre dentiste vous signale une carie, vous la faites obturer.  Si votre garagiste vous prévient que vos freins sont usés, vous les faites changer.  Votre médecin vous dit que vous devez perdre du poids, vous… tentez de l’écouter.   Quand les associations policières de tout le pays, une pléthore d’organismes communautaires et même l’Assemblée nationale du Québec revendiquent le maintien du registre, peut-être existe-t-il là quelque indice d’une idée valable ? 

Il semble que le souci d’épargner d’anodines tracasseries bureaucratiques aux chasseurs soit devenu un enjeu politique si sensible pour Stephen Harper qu’il lui faille mettre en jeu - ou en joue - la sécurité des citoyens en privant les policiers d’un outil de prévention qu’ils jugent indispensable.  Ceux-ci affirment le consulter plus de 10 000 fois par jour, mais peut-être aiment-ils eux aussi perdre du temps ?  Quoiqu’il en soit, le nombre de décès par balles est passé de 1125 par an en 1995 à 818, dix ans plus tard.  Le registre explique-t-il à lui seul cette baisse ?  Peut-être pas, mais on peut douter qu’il ne s’agisse que d’une coïncidence.

Lancée sous Jean Chrétien, l’implantation du registre, aux coûts de 2 milliards $, aurait certes pu être moins onéreuse.  Son opération annuelle ne s’élève désormais qu’à 15 millions $.  Il semble que c’est plutôt l’abolition de cet outil, et non son maintien, qui entraînerait le gaspillage des milliards investis pour sa création.  Maintenant qu’il est viable, pourquoi le contribuable n’en aurait-il pas pour sa mise de fonds ?

Les armes de chasse, au nombre de huit millions, représentent 89 % des objets enregistrés.  Elles constituent la raison d’être même du registre. Or, c’est précisément ces armes que les conservateurs cherchent obsessionnellement à exempter.  Depuis 2006, ils ont imposé une amnistie irresponsable à l’enregistrement comme au renouvellement des objets litigieux.  On ignore donc combien d’armes ont pu ainsi échapper à l'archivage.  La GRC affirme de son côté, chiffres à l’appui, que le tiers des permis échus n’a pas été renouvelé.

Un agresseur peut bien sûr tuer avec un couteau à steak ou même un marteau sans qu’un registre de ces articles ne soit nécessaire. Comment peut-on cependant autoriser la libre circulation d’armes dont la fonction première est de supprimer des vies, fussent-elles animales, sans connaître le nombre, les catégories et surtout, les propriétaires de tels articles ?  Les balles de chasse se dissoudraient-elles au contact de l’épiderme humain ?

Le projet de loi C-391, qui a franchi l’étape de la seconde lecture, pourrait avant longtemps signer l’arrêt de mort du registre.  Que représente toutefois la sécurité des citoyens, devant l’indicible horreur de voir un chasseur obligé de renouveler son permis tous les cinq ans…


Également paru dans Le Nouvelliste du 12 décembre 2009 et dans Le Soleil du 14 décembre 2009.

Une première depuis 2009 : Blogger retire l'un de mes billets.

Pour des raisons indéfinissables, Blogger a retiré mon article intitulé À quand un prix Diane Lamarre ?   C'est la première fois depuis ...