jeudi 30 septembre 2010

Fausses allégations : prévenir, c'est déjà reconnaître...

Sujet tabou s’il en est, dans un contexte où l’on veut plus que jamais prévenir, dénoncer et condamner les agressions sexuelles et en protéger les victimes, la problématique des fausses allégations est trop souvent perçue comme un chien dans un jeu de quilles, un cheveux sur la soupe, un crissement de craie sur un tableau noir.  Bref, certains – et certaines – préféreraient qu’elles n’existent pas et en minimisent le plus possible la portée.  La vie est tellement plus simple dans un monde en noir et blanc, avec les méchants prédateurs, tous masculins, d’un côté, et les victimes éplorées, toutes féminines, de l’autre. 


Or, même si ce cliché reflète une tendance bien réelle, il demeure beaucoup trop dogmatique et réducteur pour ne pas dissimuler d’autres problématiques qui méritent notre attention.  Peut-il, par exemple, se passer une semaine sans que l’on apprenne que des garçons, enfants ou adolescents, ont été victimes d’agressions sexuelles ?  C’est parfois devenus adultes qu’enfin, ils dénoncent leur ou leurs agresseurs.  Le scandale des prêtres catholiques n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette réalité trop courante, mais aisément balayée sous le tapis.  Nos victimes ne peuvent qu’être féminines.

Selon des statistiques gouvernementales partielles et des avis de spécialistes crédibles tels que Michel St-Yves, psychologue judiciaire d’expérience à la SQ et auteur d’ouvrages sur la criminalité québécoise, les signalements d’agressions sexuelles non fondés oscilleraient entre 30 et 40 %, pourcentage bien sûr contesté par des organisations féministes, qui souhaiteraient qu’ils ne dépassent pas 2 %.  La première donnée vient perturber leur petit confort intellectuel et bouleverser les dogmes sur lesquels certaines « intervenantes » fondent leur « expertise », dispensée jusque dans nos écoles, lors d’activités de « sensibilisation » grassement subventionnées à même nos impôts.

Mieux vaut prévenir

Aussi est-il méritoire, dans un tel contexte de désinformation et de négation, pour un organisme ayant pignon sur rue, non seulement de reconnaître la réalité et l’impact des fausses allégations, mais encore de proposer des mesures afin de les prévenir. 

C’est l’initiative mise de l’avant par la Centrale des syndicats du Québec, dès 2002, dans une brochure destinée aux intervenants oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux.  Le but premier du document, toujours disponible sur le Web, est d’outiller ces professionnels de façon à leur éviter ce fléau dans leurs rapports avec des jeunes auprès desquels ils occupent souvent une situation d’autorité.  Le titre veut tout dire : De fausses allégations peuvent briser une vie… Comment les prévenir ?
http://cbcsq.qc.net/sites/1687/documents/sante/faussant.pdf

L’impact dévastateur des fausses allégations tient dans cet extrait de la brochure : « (…) une chose est sûre : une fausse allégation de nature sexuelle devient un cauchemar pour le salarié, sur les plans personnel, professionnel et social.  Même en cas d’acquittement, la réputation est souvent impossible à rétablir. »  On pourrait ajouter que ces conséquences déplorables ne constituent pas l’apanage exclusif des salariés du réseau de la santé…

Les auteurs du document n’hésitent pas à affirmer que, si les fausses allégations résultent souvent d’une mauvaise interprétation des gestes posés, elles peuvent également provenir de fabulation, de préjugés, d’abus de pouvoir ou de désir de vengeance.  Les exemples cités des comportements à risques occasionnés par une relation d’autorité auprès de jeunes sont éloquents : « L’éducateur m’a réprimandée, je vais lui faire payer. »  Ou encore: « Je trouve mon éducateur tellement extraordinaire que j’aimerais qu’il s’occupe de moi en particulier. »

Les situations impliquant un contact physique lors d’interventions auprès de jeunes en état de crise, un contexte où ceux-ci se retrouvent partiellement ou totalement dévêtus, ou les occasions où l’intervenant se retrouve seul avec un jeune dans un local fermé, représentent autant de situations à risque.  Les contextes où des thèmes ayant trait à la sexualité sont abordés clôturent l’énumération.

Quelques comportements préventifs

J’ai moi-même travaillé pendant trois ans comme agent de service privé[1] auprès de patients psychiatrisés de tout âge, où les trois premières situations pouvaient aisément survenir.  L’agence de sécurité qui m’employait avait pour politique d’éviter, autant que possible, que les agents de sexe masculin ne se retrouvent en présence de femmes et de jeunes, plus souvent confiés à des agentes.  En situation de risque potentiel, il n’y avait pas de place pour une politique de l’autruche au sujet des fausses allégations.

Parmi les – nombreux - comportements préventifs recommandés par ailleurs par la CSF, signalons : s’abstenir de gestes affectueux; aviser rapidement l’autorité de toute situation ambiguë; tout en informant les jeunes de leurs droits, les responsabiliser sur les conséquences d’une fausse allégation; ne pas inviter un jeune à prendre une consommation ou chez soi; éviter le plus possible les contacts physiques; doter les bureaux d’entrevue de portes vitrées et, bien sûr, éviter de se retrouver seul avec un jeune. 

On recommande également de prévenir un employé dont le comportement pourrait porter indûment à interprétation et de ne pas tarder à éteindre dans l’œuf toute rumeur en dissipant le malentendu ou le mensonge à la source.

Les pistes de solution sont minces, pour un employé faussement accusé, hormis de signaler au plus vite tout indice à cet effet à son délégué syndical.  Il est recommandé de faire preuve de sollicitude envers un collègue dont on a tout lieu de croire qu’il est faussement accusé; la présomption d’innocence, cet irritant pour certaines organisations, n’est pas faite pour les chiens. 

Vers la reconnaissance d’une problématique

La publication du document de la CSF constitue une étape dans la lutte pour la reconnaissance de la problématique des fausses allégations, dont les conséquences vont au-delà de la simple erreur judiciaire.  Le nombre de nos enseignants masculins, déjà minoritaires, a diminué sensiblement au cours des dernières années.  Au nombre des motifs invoqués pour expliquer cette mouvance, le risque de fausses allégations revient avec une constance alarmante. 

Plus près des familles, les signalements non fondés, souvent invoqués dans la lutte pour la garde des enfants, dans un contexte d’aliénation parentale, représentent un fléau dont il faudra tôt ou tard mesurer l’ampleur réelle, à l’abri de toute pression indue.

Dans ce blogue, il ne se passe pratiquement pas une journée sans que mon dossier intitulé De véritables fausses allégations ne soit consulté.  Il est pourtant paru en décembre 2009.
http://olivierkaestle.blogspot.com/2009/12/de-veritables-fausses-allegations.html 

Nos décideurs et les intervenants concernés devront avant longtemps admettre que les fausses accusations ne visent pas que les professionnels de la santé et de l’éducation et que des mécanismes de prévention s’imposent, quand c’est possible, et selon les contextes.  À cause des ravages qu’il provoque, ce type d’agissement néfaste, lorsqu’il est commis sciemment, devrait être sanctionné avec la même sévérité que les agressions sexuelles elles-mêmes, en tenant compte cependant de l’âge de la personne contrevenante.  Les mentalités évoluent lentement, mais prévenir, c'est déjà reconnaître...


[1] Agent de sécurité en civil chargé de veiller à la sécurité de patients psychiatrisés ou en état de faiblesse physique ou mentale (NDA).

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci !

Au sujet de la calomnie..

checklist ->
http://affairesfamiliales.wordpress.com/2011/09/26/droits-des-enfants-de-voir-les-deux-parents/

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

Merci pour votre commentaire et pour votre lien.

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Pour des raisons indéfinissables, Blogger a retiré mon article intitulé À quand un prix Diane Lamarre ?   C'est la première fois depuis ...